Critique d’art,
Yanieb Fabre, Mélancolies, présentée chez Duvivier canapés
Dans l’épaisseur d’une ligne
Yanieb Fabre, Percée mélancolique, 2024, pastel gras et crayons sur papier marouflé, huile sur toile, 150 x 150cm
Les formes du ciel et de la terre s’abiment puis s’épousent, dans un dernier geste, cernées partout, comme englouties. Quelque part, les souffles s’espacent, s’allongent : c'est le temps dû au sommeil. Bientôt, il n'y aura plus d'yeux, plus d'enveloppe.
Une ultime ardeur rature l'horizon. Mais c’est un strie qui s’épuise : le jour se brise sur les reliefs en silence et son écume coiffe pour quelques secondes encore, les vallées et les monts. La nuit butinera bientôt tout l’espace. Il n’est plus temps de voir, il faut sentir. Moins homme que bête dans cet empire.
Les ténèbres nimbées des dernières vigueurs du soleil mettent en présence. Yanieb Fabre s’empare de cet instant, entre chien et loup. Elle observe ces deux mondes qui se dévisagent pour en dessiner les forces vives. L’artiste fait apparaître dans le trait, tracé et griffé, la chose sentie. Elle ne lui assigne aucune figure, elle en donne l’impression.
Son art est celui de l’épure et du resserrement. Tracée au crayon, au stylo ou au pastel, sa ligne offre la couleur et la densité. Elle diffuse la profondeur d’un ciel, d’un sentiment. L’artiste se plait à la multiplier. Ce sont des rayons qui se croisent, se heurtent et s’enroulent. L’accumulation structure l’espace. Yanieb Fabre érafle son oeuvre, y ajoute des sillons ôtant çà et là un peu de matière. Voilà l’équilibre, la justesse : il n’y a plus rien à enlever.
24 mai 2025