Critique d’art,
Clara Tournay présente son installation La mer qu’on voit danser dans la cour du musée Cognacq-Jay pour Nuit Blanche,
07.06.2025
Face à face
Clara Tournay, La mer qu’on voit danser, 2025, Polycabonate et granit
Prends garde mon cœur, à la rumeur du fond des mers, sa respiration n’est pas à ta mesure. Vois comme la houle dessine dans sa chair bleue les symboles souples d’une langue inconnue de nous. Vois encore comme, sûre d’elle-même, elle s’avance vers le prochain rivage. L’eau va, dans une procession dont on n’entend pas le pas, porter ailleurs le murmure d’une terre étrangère et la lumière.
Tout ici subjugue, écrase et frustre : j’étais la fêlure, rompant l’équilibre entre l’azur et la clarté. Resté à la surface de mon désir - impossible de me fondre sans me perdre moi-même - je me confrontais à cette grandeur partout égale. Aveuglé, tout lavé de lumière, lucide enfin, il m’a semblé voir la vérité crue. Je me fis alors, une idée du bonheur ainsi figé dans la contemplation d’une beauté qui n’était pas à ma taille. Cette idée avait le goût du mythe et du sel.
Clara Tournay sculpte pour raconter l’eau et la lumière. Ses ouvrages portent l’image d’une nature dont la beauté – toujours définitive – est mise à échelle d’Homme. Elle permet ainsi un face à face.
Dans le corps limité de ses œuvres, l’artiste rend compte de cette splendeur sans fin. Les formes marines qu’elle façonne débordent du cadre de leur enveloppe : les rayons qui les traversent font danser au-delà une variété d’éclats liquides, chargés de ce passage. La sculpture vit au plus loin d’elle-même.
Clara Tournay montre ainsi l’humilité et le grandiose d’un seul coup. Elle invite celui qui regarde à se rappeler la mer, ses fluctuations, sa permanence et son insoutenable pureté. Elle rend accessible le divin pour poser comme une évidence cette formule d’Albert Camus : voir, c’est aimer.
18 juin