Critique d’art,
Ugo Sébastiāo présenté à la galerie Pact dans l’exposition
Be The Holy,
du
15.05. au 15.06.2025

Figures imposées

Ugo Sébastião, Black Hole Sun n.0, 2025, huile sur toile de lin, 250 x 210cm ©Galerie Pact

Il va mourir. Sa parole est tarie, repliée dans son cœur. Ses lèvres sont sèches. La corde qui le lie à la croix a plus de pesanteur que lui, elle craque sous la torsion. Barbarisme du verbe, brutalité des ordres jetés. Le bruit et la bousculade des corps qui s’affairent près de lui sont les considérations d’un autre monde.

Saint André va mourir. Cela ne change rien qu’il meure, il n’y a pas maldonne. C’est convenu. Il est au-delà, non pas vaincu, mais ravi. Son pied nu ne sent plus la terre dont il pourrait goûter la chaleur pour la dernière fois. Senestre lâche, il s’oublie dans la lumière, submergé.

Dans un instant, l’apôtre va mourir. Dans cette représentation ou dans une autre. Le souvenir monte à mesure que les yeux effleurent la toile. Les images d’une foi que rien n’entame, de chairs abîmées, d’une barbe qui avait dû être majestueuse sont légions. Cultivées, pérennisées, elles font cultures. Il y a ici quelque chose qui reste, en dehors du culte, quelque chose qui ne peut être entamé. Ce doit être une poésie, une vérité, du cœur parce que cela continue.

 

Ugo Sébastião se focalise sur ces atavismes esthétiques que les regards neufs ne peuvent atteindre. Sous son pinceau, le saint reverdit. Invariablement le même mais sensiblement différent. Son corps aux formes décalquées et son visage figé dans des lignes atemporelles, c’est cela son présent, un éternel. Rien de nouveau sous le soleil.  

Mais, à vrai dire, l’apôtre est vert pour de bon. Le filtre émeraude qui le recouvre le montre sous un autre jour. Il est aussi plus grand, plus près de nous : l’œuvre originale de José de Ribera dont l’artiste s’est inspiré, offre tout entiers les hommes qui le crucifient.

L’artiste lyonnais réalise le pas de côté nécessaire pour conduire celui qui observe à considérer le tableau non plus seulement à travers l’histoire qu’il nous raconte mais comme un objet palpable qui condense une somme d’héritages, un abrégé de codes formels que nous avons en partage. Le corps meurt, soit ; son image lui résiste et elle gagne à être minutieusement réexaminée.

10 juin 2025