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Giulia Zanvit

Astrid Staes

Janique Bourget

Biographie

Giulia Zanvit


Lunaire annuelle (Lunaria annua) et teinture végétale sur coton pour teinter la lumière crue du néon
183 x 207 cm (dimension variable)
2022

Ici, l’étang qui s’étire nonchalamment. Là, le ventre rondouillard qu’une colline offre aux nuages. Un peu plus loin encore, le cours tranquille d’une rivière qui, chatouillée par les galets, pépie sous le toit des arbres. Pour Giulia Zanvit, diplômée de l'ESBA - MO.CO de Montpellier, un morceau de nature peut servir de thème à toute une vie. C’est un peu son panthéon.

Sa lecture des éléments qui l’entourent est presque animiste. Elle est de ces artistes qui se bercent des lueurs d’un coucher de soleil, de la cadence de leurs reflets sur l’eau. De ceux aussi, qui aiment prendre le temps. Elle contemple, ressent et crée. Les trois actions sont si bien mêlées qu’elle réalise désormais des installations in situ. Touche à tout, et foncièrement curieuse, Giulia Zanvit dessine, peint, sculpte et construit.

Ses créations très diverses suivent toutes un même fil rouge : la cueillette, le recyclage et le réemploie. Elle prend un peu à la nature, sans l’abîmer jamais, pour la montrer sous un angle nouveau. Résolument, elle expérimente : les pigments sont ces fleurs, ces pierres qu’elle a glanées dans la forêt ou sur la plage. Les matériaux qui font le corps de ses œuvres sont aussi cueillis au fil de ses promenades. Elle nous invite à apprécier les racines profondes de l’Homme à travers son art : bien ancrées dans la terre, enfouies dans une nature qu’à tort on peut renier. C’est son instinct, happé par les beautés diverses des choses naturelles, par leur harmonie, leur équilibre, qui guide son œil puis sa main.

Dans ses ouvrages, l’art ancestral qui s'unit étroitement aux éléments organiques, côtoie un renouvellement. C’est que l’artiste confond son langage avec celui de la nature. Elle l’illustre à travers les symboles et les tournures poétiques. Ainsi, elle développe des images qu’elle a perçues depuis toujours autour d’elle, quand, dans la maison familiale lovée au cœur des Cévennes, elle considérait l’expression des châtaigniers, ou celle des chênes. Il y a aussi celles qu’elle a appris à lire. Apprendre, justement. Voilà le cœur de son projet : apprendre à créer avec la nature, sans autre artifice que celui de sa main qui assemble. Sa démarche empirique et spontanée est semblable à celle d’un enfant qui s’émerveille et qui expérimente. Tout en adoptant une attitude cérémonieuse, pluriséculaire, faite de rituels cultivant la précision, elle préserve la fraîcheur, la candeur de l'enfance.


Expérience artistique,
La Cérémonie du haut monde,
Galerie Porte B

Giulia Zanvit, La Cérémonie du haut monde, 2023,
Expérience artistique à la Galerie Porte B., Paris, © Ykwis

La Cérémonie du haut monde est le sacrement des objets qu’on dirait ordinaires. Giulia Zanvit met en scène, à travers un rite initiatique, une somme d’éléments qu’elle a collectés au hasard de ses promenades dans la nature. Pendant une poignée de minutes, elle nous invite à partager son émerveillement, sans un mot.

C’est le spectacle du tout petit, du détail dans lequel s’est dissimulé le prodige naturel – celui-là même qui nous échappe – suivant la chorégraphie épurée du rituel. Ainsi, par la mesure de son geste, Giulia Zanvit nous guide pour cueillir les beautés que nos sens ne perçoivent plus. Car il s’agit bien de voir, de toucher, de sentir, de goûter et d’entendre. La voix sèche du bois, la note argentine de l’eau qui accompagne le mouvement de l’artiste chante plus fort ses propres atours : l’artiste lève délicatement le voile et la magie opère.

La cérémonie se déroule en plusieurs étapes, et chacune d’elles permet d’embrasser progressivement un hors temps, celui de l’empire des sens. Voilà le haut monde. Il est le lieu où l’on redevient sensible. Autrement dit, c’est l’espace, l’instant où se rencontrent les sens et l’âme. L’âme, ainsi mise à nue, presque palpable, peut mieux penser le monde, mieux penser sa présence au monde. Capter à travers la beauté, l’esprit de toutes choses est aussi un pas supplémentaire pour saisir l’esprit de communauté. Les sens pour Giulia Zanvit permettent de fusionner avec l’Autre, soit tous les êtres, toutes les choses sensibles. Elle abolit les différences, qui ne sont qu’une illusion éphémère, et encourage à se considérer dans un tout qui communique.

Elle offre enfin, dans un écrin de douceur, au détour d’un sourire, la possibilité d’un rendez-vous avec l’infini, l’immémorial. L’artiste donne forme au visible dans lequel l’enchantement n’est plus seulement propre aux contes et aux légendes. Il éclot dans le quotidien.



L’Écho des ruines,
Galerie des Minimes

ASTRID STAES


Astrid Staes, Int. jour, L’Echos des ruines, 2023

La ville remue, rugit du chaos des solitudes ordinaires. Les âmes côte-à-côte, contre la montre, s’occupent à dompter le temps. Le timbre obsédant de l’aiguille comble un peu le silence au creux des corps.

Dans la multitude, l’artiste progresse à contre-jour. Astrid Staes a fui la ville. Elle s’active à devenir près des jours disparus, des mémoires écroulées. Elle affronte ainsi sa solitude, singulière et insidieuse. Elle en sonde les racines dans les déserts, dans les ruines. Son art est la quête d’un soi enseveli.

Les paysages photographiés, mutiques, s’offrent comme un reflet. Ce sont des espaces bouchés, encombrés. Il n’y a pas de point de fuite, pas de respiration. Deux silences se rencontrent et élaborent un discours. Ni lieu, ni temps. C’est ici que l’être se rassemble et se déploie. La contemplation pure, dépouillée des entraves triviales, remplit le vide. Le regard assis sur l’horizon, l’artiste se révèle lentement à elle-même.

Elle capte dès lors, les ombres qui coulent le long des murs, celles qui unissent et confondent, celles aussi qui soulignent le Mystère. Ses yeux accoutumés à l’obscurité épousent vaillamment ce Mystère. Ils ont le goût du secret. Astrid Staes se détourne du néant pour effleurer l’infini. Alors, sans sourciller, elle se tend vers la lumière qui discrimine et découpe les formes brutes, accidentées. Elle a trouvé un pouls dans les décombres, sur les surfaces planes ou cabossées.

Une voie qui monte et fait éclat, prolonge les échos. C’est l’image la plus véridique d’elle-même qu’elle fixe désormais.



Mémoires tangibles

Janique Bourget &
Alice Lebourg


Mémoires tangibles est le couronnement d'une rencontre artistique entre Janique Bourget qui travaille le papier et Alice Lebourg qui souffle le verre. Elles exposent le fruit de leur création commune, entamée il y a deux ans et présentent l'alliance étonnante de deux matières que tout semble opposer. Leurs savoir-faire se sont naturellement entremêlés, ils disent le passage et la disparition. Le verre en fusion épouse les sculptures de papiers qui se consument à son contact. Le papier disparaît doucement, il prend le temps de laisser sa marque, trace de son existence révolue.
Ce sont ces "Mémoires tangibles" que l'on découvre du 14 au 17 mars, 6 rue de la Folie Méricourt, à Paris.

Dans cette exposition, le papier compose avec sa phobie : le feu. Il parvient à résister suffisamment pour sublimer le verre. Le verre incandescent est contraint par les tranches de la structure en papier qui l'entaillent. Il garde la mémoire de cette rencontre dans sa peau lisse. Marqué par elles, il a su, comme une qualité de l'âme, tirer de la beauté de ses cicatrices. Il est alors question du temps d'après : de cet instant qui donne une valeur à la trace laissée avant de disparaître.

Janique Bourget modèle le papier - une matière qui semble fragile - pour le porter plus loin dans le langage. Sous ses mains s'impriment des plis, des sillons. Le papier se creuse, prend de l'ampleur, il devient un volume. C'est une structure qui a désormais une densité poétique : l'artiste fait advenir le vide elle le cerne pour l'exposer franchement à la vue. On se plaît alors à observer le passage muet d'une forme à une autre. La sculpture entame une chorégraphie envoûtante qui montre les transformations.

Alice Lebourg façonne le verre. Ses créations portent la mémoire de son souffle. Elles sont aussi les hôtes du vide. Artiste de l'instant, ses œuvres sont à l'épreuve du temps : le verre soufflé n'est façonné que dans l'incandescence. Il faut faire vite et dompter les secondes. La réalisation finale est le résultat de cette tension. Alice est particulièrement sensible aux détails ténus. Elle met également le verre à l'épreuve pour faire valoir les possibles et repousser comme Janique les propriétés de sa matière.

On s'applique ainsi, à porter une attention accrue aux choses menues. Ces petits phénomènes ménagent un moment privilégié, un hors-temps propre à la contemplation. On s'abandonne alors aux impressions. Ce sont elles qui marquent durablement la mémoire.

Cette exposition est un prologue. Elle sera développée dès le 6 avril 2024 à Poitiers : les œuvres présentées seront exposées au musée du vitrail jusqu'au 3 novembre 2024.

Janique Bourget et Alice Lebourg, Mémoires tangibles, 2024
© Marion Saupin

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